Indicibles entretiens #11
Cet entretien a été préparé par Julien Dorémus, notre spécialiste mangas dans l’association. Vous pouvez le retrouver ici sur Twitter. Un énorme merci à Pascal (alias Orion sur Twitter) ainsi qu’à sa femme qui a traduit les questions du français vers le japonais. Merci aussi à Julie Proust-Tanguy pour son aide et a Tony Sanchez qui a assuré la traduction du japonais vers le français. Merci à la Team ActuSF !
Rencontre aujourd’hui avec Gou Tanabe auteur de manga, qui travaille depuis 2014 à l’adpatation des oeuvres de H.P. Lovecraft. Depuis 2016 avec Les Montagnes Hallucinées, les éditions Ki-oon publient avec succès ses oeuvres en français dans la collection Les chefs d’oeuvre de Lovecraft.
Bonjour, tout d’abord un grand merci pour avoir accepté de répondre à nos questions ! Pour ceux qui ne vous connaissent pas, pourriez-vous vous présenter ?
Bonjour. Je m’appelle Gou Tanabe, et j’adapte les romans et nouvelles de Lovecraft en manga, ici au Japon. Cela fait maintenant dix-sept ans que je suis mangaka, et j’espère que mes réponses vous satisferont !
Question rituelle : comment s’est passée votre première rencontre avec l’univers de H.P. Lovecraft ?
Ma rencontre avec l’œuvre de Lovecraft remonte à vingt ans, sur les conseils de mon responsable éditorial. Le premier texte que j’ai envisagé d’adapter en manga était Je suis d’ailleurs.
Avez-vous un passage de Lovecraft préféré ou qui vous a particulièrement touché ?
Il n’y a pas de passage en particulier qui m’a touché plus que les autres, mais s’il y a une chose que j’apprécie chez Lovecraft, ce sont ses intrigues basées sur la venue de créatures extraterrestres qui auraient dominé le monde dans des temps antédiluviens, bien avant que l’homme n’accède à la civilisation.
Qu’est-ce qui vous plaît tant dans l’œuvre de cet auteur qui vous a valu de lui consacrer une grande partie de votre travail ?
Le monde construit autour du mythe de Chtulhu est si riche ! Je tenais absolument à le faire découvrir à plus de monde, à travers le manga.
Comment est perçue l’œuvre de H.P. Lovecraft au Japon ?
Le nom de Lovecraft est assez peu connu au Japon, mais je pense que presque tout le monde connaît les créatures du mythe. Le livre de règles du jeu de rôle de l’Appel de Chtulhu s’est ainsi vendu à près de 200 000 exemplaires.
Votre dessin se situe entre un style nippon et un trait plus occidental, quelles sont vos influences ?
Les œuvres qui ont influencé mon dessin sont surtout Kitaro le repoussant de Shigeru Mizuki et Dômu, Rêves d’enfant de Katsuhiro Ôtomo. Je regarde aussi beaucoup de films ou de recueils d’illustrations.
Quelle technique utilisez-vous pour le dessin ; des crayons, un ordinateur, les deux ?
Pour réaliser mes mangas, j’utilise la modélisation 3D, un logiciel de dessin, des crayons et de l’encre, ainsi qu’une tablette tactile et un appareil photo. Plus précisément, voici comment je procède : je rassemble d’abord tout un tas de documentation, et je prends aussi des photos pour mieux visualiser certains endroits.
Puis j’utilise une appli spéciale pour mixer tout ça, et peaufiner la mise en scène. J’imprime ensuite le résultat pour finaliser au crayon et encrer le tout avant de le scanner, et à l’aide du logiciel « ComicStudio », j’accentue les effets d’ombre et de lumière.
Les lecteurs français vous ont découvert notamment avec « Kasane » et « Mr Nobody » mais on vous connaît maintenant surtout pour vos adaptations de nouvelles fantastiques, qu’est-ce qui vous a amené à vous spécialiser dans ce genre ?
Je crois que mon attrait pour les histoires fantastiques vient du fait que j’aimerais bien en vivre une ! Les œuvres de Lovecraft ont été pour moi la source d’un émerveillement constant. Sans compter que la solitude et l’angoisse ressenties par ses héros ont souvent fait écho aux miennes.
Vous avez été récemment récompensé au festival d’Angoulême du prix de la série grâce à vos adaptations de Lovecraft, allez-vous continuer d’adapter cet auteur ou aimeriez-vous changer d’univers ?
Dans l’immédiat, tout mon temps est consacré à l’adaptation de l’œuvre de Lovecraft en manga. J’ai bien eu quelques demandes pour d’autres travaux, mais comme je travaille seul, je ne peux pas en mener plusieurs de front ! Je n’ai pas entamé d’œuvre originale pour l’instant, à part quelques ébauches. Et comme il reste encore quelques nouvelles de Lovecraft que je souhaite adapter, je pense continuer comme ça un petit moment !
Nous avons pu découvrir en France en Mars dernier votre adaptation de “La couleur tombée du Ciel” aux éditions Ki-Oon, comment avez-vous contourné les difficultés pour représenter cette histoire de couleur n’existant pas dans le spectre lumineux avec la contrainte du traditionnel noir et blanc ?
Pour La couleur tombée du ciel, j’ai pensé qu’en la représentant comme une source lumineuse, ça laissait au lecteur le soin d’en imaginer la couleur. J’en ai donc fait une source lumineuse unique, qui ne puisse pas projeter sa lumière. J’espère que l’effet est réussi…
De la même façon, les entités du mythe lovecraftien sont souvent décrites du seul point de vue du narrateur, quel est votre secret pour représenter ces créatures indescriptibles ?
Les entités représentées dans mes mangas sont basées sur des animaux ou des plantes que j’ai pris en photo ! Je mélange ensuite le tout, selon l’inspiration du moment.
Pour terminer, y’a-t-il une œuvre que vous rêvez de dessiner ?
La publication du Cauchemar d’Innsmouth ) vient de commencer dans le mensuel Comic Beam, (Vous pouvez en feuilleter quelques pages ici) et ensuite je pense attaquer L’abomination de Dunwich et À la recherche de Kadath.
Voilà, j’ai fini. Merci, et prenez soin de vous !
Merci beaucoup !
Les indicibles entretiens de l’Association Miskatonic sont sous licence CC BY-NC-ND 4.0